Cultiver l’enthousiasme ! Quand pédagogie rime avec envie
Les passe-temps, loisirs ou passions sont une mine d’or en accompagnement pédagogique. J’y décèle les stratégies de réussite et les éléments de motivation qui permettent de révéler les jeunes à eux-mêmes et de les aider dans leur scolarité. Dans Chagrin d’école, Daniel Pennac, en grand échec scolaire dans son enfance, nous parle de l’un de ses professeurs qui a eu l’intuition de s’appuyer sur sa passion pour le faire progresser : « Puis vint mon premier sauveur. Un professeur de français. Epaté sans doute par mes aptitudes à fourbir des excuses toujours plus inventives pour mes leçons non apprises ou mes devoirs non faits, il décida de m’exonérer de dissertation pour me commander un roman. […] Sujet libre, mais prière de fournir mes livraisons sans faute d’orthographe. J’écrivis ce roman avec enthousiasme. J’en corrigeais scrupuleusement chaque mot à l’aide du dictionnaire (qui, de ce jour, ne me quitte plus), et je livrais mes chapitres avec la ponctualité d’un feuilletoniste professionnel. »
Enthousiasme est le mot-clé dans ce témoignage : c’est le starter qui fournit l’énergie indispensable pour faire l’effort d’apprendre. Ne confondons pas enthousiasme et joie, preuve en est le visage concentré et l’attitude calme des petits qui jouent. En gestion mentale nous ne parlons pas d’enthousiasme mais de « sens ». Par là nous entendons ce qui nous mobilise, ce qui fait que notre corps se tonifie pour agir, ce qui nous permet de nous concentrer et de mémoriser.
André Stern, auteur et conférencier ayant grandi sans jamais fréquenter l’école, nous parle de ce pouvoir du sens. Dans son ouvrage « Tous enthousiastes ! », il décrit en quoi il est le moteur de l’apprentissage : « Le neurobiologiste allemand Gerald Huther explique qu’un exercice ciblé répété pendant plusieurs heures quotidiennes ne permet pas de constater un développement d’ampleur dans le cerveau : « Le cerveau n’est pas un muscle, on ne peut ni le forcer, ni le façonner à la guise ; il lui faut, pour se développer, une stimulation émotionnelle : le facteur moteur de ce développement est l’enthousiasme qu’éprouve la personne vis-à-vis de l’activité ou de l’objectif à atteindre. » Notre cerveau se développe donc, effectivement, selon l’usage que nous en faisons (nous parlons d’épigénétique) mais à condition que ce que nous en faisons provoque et attise notre enthousiasme ! ».
J’ai pu observer ce phénomène en accompagnant une personne qui souffrait d’importantes pertes de mémoire. Les examens neurologiques ne montraient rien d’anormal. Nous avons cependant constaté que sa mémoire était sélective et qu’il se rappelait très bien de ce qui sortait de l’ordinaire et de ce qui était lié à ses projets ou centres d’intérêts, qui stimulaient son enthousiasme. Je le constate également chez les élèves qui réactivent leurs leçons jour après jour, sans pour autant réussir à mémoriser. Le sens n’est pas là. Or c’est celui qui génère l’émotion qui permet la mémorisation.
L’enthousiasme nous donne de la force et nous permet de fournir des efforts considérables. Il nous fera réitérer une tâche, consolidant l’apprentissage, sans que cela soit une contrainte (regarder les petits joueurs et joueuses de foot passant un nombre incalculable d’heures à dribbler devant la maison). Rien ne résiste à un véritable enthousiasme, et les grands inventeurs (de Léonard de Vinci à Steve Jobs) ont tous traversé des océans de difficulté, de persévérance et de travail. Personnellement, l’enthousiasme m’a permis de créer mon activité et d’en vivre, ce qui n’a pas été un long fleuve tranquille !
J’observe malheureusement beaucoup de jeunes blasés, lassés, qui s’ennuient et qui travaillent de manière contrainte ou ne travaillent plus. Redonner du sens à leurs apprentissages passe par différents biais : la compréhension des cours, le fait de pouvoir être créatif dans l’apprentissage (imaginer, reformuler, trouver des astuces pour mémoriser), reconnaître leurs besoins pédagogiques et cognitifs (préfèrent-ils la similitude ou la différence, voir ou entendre, apprendre avec un livre ou avec l’enseignant…) et surtout les faire « évoquer » : c’est-à-dire faire vivre mentalement la connaissance (en image, en mots, en mouvement). Car le cerveau est fait pour ça et il est stimulé lorsqu’il est utilisé à ses fins !
Pour finir, voici un autre extrait de « Tous enthousiastes ! », qui donnera espoir à tous ceux qui se sentent en manque de sens : « L’enthousiasme ne peut pas être créé, il ne peut donc être détruit. Il existe en nous quoi qu’il arrive. Le but n’est pas de créer certains états de l’esprit mais d’écarter les nuages qui les obstruent. Nous avons parfois contracté l’habitude de ne pas être enthousiastes. Certaines situations désavantageuses nous sont devenues tellement familières que nous nous sentons à l’aise dans leur cadre, redoutant même d’en sortir, même si cela ne nous rend pas heureux. » Heureusement, il est toujours possible de retrouver ce « lac intérieur » qu’est l’enthousiasme, dont nous ne pouvons oublier le paysage. Je l’observe dans mes accompagnements.
En tant qu’adulte, donnons l’exemple à nos enfants : donnons de la place à l’enthousiasme, cherchons ce qui nous nourris et nous stimule. Et surtout, valorisons nos enfants dans tout ce qu’ils aiment : c’est la vie qui s’exprime !