Des chemins dans la tête
L’apprentissage est une affaire de neurones, vous le savez déjà. En réalité, c’est plus précisément une affaire de connexion de neurones (chaque neurone est connecté à 10 000 autres neurones). Apprendre renforce ces connexions et en créé de nouvelles, traçant des « chemins » dans le cerveau. Le terme de neuroplasticité désigne cette faculté qu’a notre cerveau à se réorganiser via ses connexions neuronales, et ce tout au long de la vie.
Nos chemins neuronaux peuvent se consolider ou se défaire. Pour mieux comprendre, comparons le cerveau à une forêt vierge. Pour tracer un passage, il faut y aller à la machette, et le sentier sera dans un premier temps broussailleux et étroit, ce qui vous demandera des efforts. C’est ce qu’il se passe lorsqu’une connaissance n’est pas automatisée : le chemin neuronal est encore fragile et ce que nous voulons effectuer ou retenir est difficile. Plus nous repassons sur le chemin, plus celui-ci devient large et dégagé… Cela devient plus facile. Certains chemins sont même des autoroutes ! Il en va ainsi pour certaines actions comme conduire, faire du vélo, marcher ou lire… Ces actions sont automatisées, ce qui permet d’être en double tâche sans effort : nous pouvons parler en conduisant, comprendre en prenant des notes… (Exception faite pour les personnes ayant un trouble spécifique des apprentissages, qui ne peuvent pas automatiser certaines tâches : lire, écrire ou rester attentif…).
La courbe de l’oubli
Qu’arrive-t-il lorsque nous ne nous remémorons pas nos connaissances ? Alors le chemin tracé se fait envahir par les herbes folles et devient de moins en moins praticable… jusqu’à disparaître. C’est ce qui arrive lorsque vous sentez que vous oubliez des informations dont vous ne vous servez pas, ou lorsque vous arrêtez une pratique manuelle, musicale ou sportive. Le cerveau aime l’économie de moyens : ce qui ne sert pas n’est pas gardé ![1]
Les scientifiques ont même été capables de définir une « courbe de l’oubli », qui illustre la vitesse à laquelle nous oublions nos connaissances si nous ne les réactivons pas.
Comment lutter contre cette courbe de l’oubli ? En « récupérant l’information en mémoire », de manière active. Relire son cahier n’est pas suffisant, il vaut mieux cacher son cours et s’en remémorer le contenu.
Le scan du soir
Votre enfant gagnera en mémorisation s’il met en place un rituel : le « scan du soir ». En rentrant à la maison, il se remémore tout ce qu’il a appris dans la journée, cours par cours (cela peut être fait à l’oral, à l’écrit, dans la tête…). Pourquoi le faire le soir même ? Car le cerveau effectue un premier « tri » pendant la nuit. Penser à une connaissance avant de dormir, c’est indiquer au cerveau que celle-ci est importante et qu’il ne faut pas la jeter. Il faudra ensuite réactiver les jours suivants. Plus le temps passe et plus nous pouvons espacer les réactivations. Pour un examen de fin d’année, planifiez des retours en mémoire toute l’année. De même, quelques réactivations l’été (lecture, activités, jeux, cartes mentales…) permettent de ne pas oublier les acquis de l’année passée.
Espacer les révisions consolide la mémoire
Les neuropédagogues conseillent non-seulement de réactiver régulièrement une connaissance, mais également de scinder les apprentissages en petits morceaux. Il est vivement conseillé de réviser en plusieurs fois, sur des temps courts, plutôt qu’une seule fois sur une longue durée. Concrètement : 20 minutes par jour pendant 3 jours sont plus efficaces qu’1 heure la veille d’un contrôle.
Pourquoi cette technique est-elle plus efficace ?
Premièrement, durant la nuit le cerveau se remémore ce qu’il a appris dans la journée, consolidant ainsi les connexions neuronales (même les siestes sont bénéfiques !). Ainsi, en étalant les révisions sur une semaine, nous dormons entre deux apprentissages et consolidons notre mémoire. Deuxièmement, il existe un « effet d’habituation » au niveau des neurones. Lorsque nous répétons longuement un même geste ou une même connaissance, les neurones deviennent très efficaces : nous devenons compétents pour faire le geste, nous connaissons bien ce que nous avons appris. Néanmoins, en devenant facile, l’apprentissage n’active plus les neurones. La mémoire ne travaille plus, il s’agit uniquement d’une répétition. Au contraire, lorsque nous faisons un effort pour nous rappeler de ce que nous avons appris la veille, nous activons nos neurones et la mémoire se renforce. Conclusion : quand c’est difficile (mais accessible), on apprend.
S’il n’est pas possible de laisser une nuit entre deux apprentissages, conseillez à vos enfants des petites séances de révisions, avec des pauses entre deux (15 minutes de révisions, 5 minutes de pause, etc…). Les pauses aideront le cerveau à consolider les connexions neuronales.
Pour aller plus loin :
Faire le plein d’énergie avant d’apprendre
Quand les neurones sont à plat, que se passe-t-il ? Alors les enfants « font de la chaise » : ils sont à leur bureau mais, terrassés par la fatigue, ils n’apprennent pas. Aidez vos enfants à reconnaître les signes de fatigue et conseillez-leur de mobiliser leur corps pour retrouver de l’énergie : danser, chanter, faire un tour à l’extérieur, respirer… Il faut absolument recharger les batteries avant de travailler.
Intéressé.es ? Vous trouverez plus d’informations sur la chaîne YouTube de Steve Masson[2], chercheur en neuroéducation[3], qui a réalisé des vidéos courtes et très accessibles sur le sujet.
[1] « Use it or lose it ! » disent les anglophones
[2] Steve Masson – Cerveau et apprentissage
[3] Branche scientifique à l’intersection de la pédagogie et des neurosciences, qui essaye de mieux comprendre le cerveau afin d’en tirer des indices sur la manière d’apprendre et d’enseigner la plus adaptée.