Être acteur de ses apprentissages
L’autonomie intellectuelle des enfants dépend de la bonne marche de leurs fonctions exécutives. Ces dernières, situées dans le cortex préfrontal, sont le « chef d’orchestre » du cerveau. Elles permettent d’agir de manière organisée afin d’atteindre des objectifs. On y trouve la flexibilité, l’inhibition, la mémoire de travail, la planification ou encore l’initiation. C’est cette dernière qui nous intéresse aujourd’hui, celle qui nous fait démarrer une tâche par nous-même et trouver des stratégies pour résoudre des problèmes. Un enfant qui manque d’initiation est dépendant de ses parents, qui lui donnent sans cesse des directives et se plaignent de « toujours répéter la même chose » : fait ceci, n’oublie pas, c’est l’heure de… faire tes affaires, débarrasser la table, te mettre à tes devoirs, etc.
Les situations d’apprentissage sollicitent également l’initiation, lorsqu’il faut comprendre (faire des liens, traduire avec ses propres mots…), mémoriser (trouver des moyens mnémotechniques, imaginer les situations d’utilisation…) ou encore réfléchir (choisir une réponse). Un élève qui manque d’initiation aura du mal à se mettre à ses devoirs ou mémorisera beaucoup par cœur, sans toujours comprendre.
Ainsi, tout ne peut pas être « donné » et l’enfant doit s’engager personnellement pour progresser, à la maison comme à l’école. Or, certains d’entre eux ne prennent pas ce risque et se montrent trop passifs.
Comment aider un enfant ou un adolescent qui manque d’initiative et a du mal à faire ses devoirs ?
Participer à la vie de la famille
Il est intéressant de définir des tâches que votre enfant doit faire lui-même à la maison, et que vous ne lui rappellerez pas (mettre la table, se laver les dents…). L’accomplissement de ces tâches entraînera une récompense (accès aux jeux-vidéos, aux séries, ou moments de qualité en famille : soirée ciné, pizza, piscine…). Je vous invite à questionner votre enfant sur la manière dont il va s’y prendre, pour l’aider à se projeter et à s’organiser. Pour lâcher prise et le laisser faire à sa manière, définissez ensemble ce qui est attendu. Par exemple, que veut dire ranger sa chambre ? Une négociation peut s’engager… Avec les adolescents, essayez de ne fixer qu’une seule exigence (par exemple, le sol devra être propre).
C’est en faisant seul des tâches du quotidien que votre enfant construira son intelligence exécutive. Nous pouvons fortement le sentir chez les petits, qui dès 3 ans veulent faire tout seul. C’est pendant cette période de l’enfance que se construisent les fondations pour les apprentissages futurs. Répondez positivement à leur besoin en les laissant mettre leurs chaussures, se savonner, couper leur banane… sans les presser[1].
Jouer librement
Le jeu stimule la prise d’initiative lorsque l’enfant peut laisser libre cours à sa créativité, sans jugement, sans compétition et sans prérequis de connaissances. Voici quelques jeux simples à faire en famille :
Les mots valises
Proposez à votre enfant d’inventer un mot nouveau à partir du nom d’un animal et d’une plante de son choix, en prenant la première moitié du premier mot, et la deuxième moitié du deuxième. Par exemple, un pétunia et une autruche donnent une « Pétuche ». On peut ensuite l’imaginer ou le dessiner !
Détourer un objet et le transformer
Prenez un objet qui peut être détouré (ou un élément naturel, comme un bout d’écorce). L’enfant fait le contour de l’objet sur une feuille blanche puis l’enlève. Le but est de partir de la forme ainsi obtenue et de la transformer, en un visage, un objet, un paysage…
L’objet farfelu
Trouvez un objet étonnant et demandez à vos enfants à quoi il pourrait servir, ce que cela pourrait être. Les idées les plus loufoques seront les bienvenues !
Le jeu libre
Le jeu libre est un grand champ d’expérimentation et de créativité pour l’enfant. Il advient lorsque l’enfant a du temps, sans activités de prévues, qu’il n’y a pas d’écrans et qu’il n’est pas sous le regard intrusif d’un adulte. Le jeu libre aide à la vie sociale, physique, intellectuelle et émotionnelle (dans les jeux de « faire semblant » ou dans les dessins, l’enfant exprime des émotions qu’il ne peut pas dire avec ses mots). Sophie Marinopoulos, psychologue, lie le jeu et le plaisir d’apprendre : « [Par le jeu] il est en train d’expérimenter qu’il a de la valeur, qu’il existe, qu’il peut avoir une action sur le monde. Il agit donc il se sent exister. En jouant, il éprouve ses ressources et cela le fait cheminer vers les apprentissages qu’il avait délaissés »[2].
Le modelage sur argile est une activité intéressante car l’enfant est libre d’expérimenter, les nombre d’essais étant illimités. Je trouve également inspirant le « Jeu de peindre », créé par Arno Stern, qui consiste à peindre pour soi dans la spontanéité. L’enfant dispose d’une feuille blanche sur le mur, de couleurs prêtes à l’emploi au centre de la pièce et d’une heure devant lui. Les participants à ce jeu ressentent un grand plaisir : « La joie qui en résulte est celle d’être en lien avec soi-même et de laisser libre cours à son potentiel créateur » (Arno STERN). Pour permettre à cette joie d’éclore, il faut se retenir de commenter le dessin et de fixer des règles ou des des thèmes. L’adulte peut encourager l’enfant à continuer de peindre : « Vas-y, ton pinceau saura quoi faire ! », mais mieux vaut ne pas donner de conseils, à part comment tenir le pinceau et comment utiliser les pots de peinture.
Travailler l’initiation avec un professionnel
Si vous vous sentez démunis face au manque d’initiative de votre enfant, un soutien scolaire et pédagogique peut s’avérer bénéfique. Votre enfant pourra redevenir acteur de sa scolarité en passant par la connaissance de soi, de ses stratégies de réussite (habitudes mentales efficaces) et des meilleures façons de s’en servir.
[1] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’enfant, Les Arènes
[2] Libre, Antoine Boureau, reportage photo sur le jeu libre